Homosexualité
   &
      Science-Fiction Toutes les littératures et tous les films de l'imaginaire
 sous un regard pas comme les autres.

 

 


Le rêve du démiurge,

Ou 50 ans de comédie humaine 


   

  L'ombre d'un soldat    

 

Si l'on ne peut parler d'autobiographie, et encore moins de mémoires, ce cycle revisite en partie la vie de l'auteur, via les protagonistes et l'époque, comme nous allons le voir.

"L'ombre d'un soldat", le volume inaugural a pour personnage principal un enfant, et pour décor la rurale Drôme des années 50. Dans ce petit village, les plaies de l'Occupation sont encore à vif. En effet, Olivier est le souffre-douleur des garçons du village, en particulier du terrible Laurent, qui prend un plaisir véritablement sadique à l'humilier. Tout cela parce que sa mère a fauté avec un soldat allemand. Mariée à un homme qu'elle n'a jamais vraiment aimé, qui plus est fait prisonnier dès le début de la guerre et envoyé dans un camp de travail, sans enfant ni mari, elle était libre de toute attache conjugale, quand elle rencontra un jeune soldat. Ils vécurent des moments heureux, faisant fi des rancœurs villageoises. Mais les rancœurs devinrent vite rancune quand vint la Libération. Tondue en place publique sans avoir collaboré, avec son mari dans le public, elle est restée depuis la paria de ce village, à la rancune fort tenace, 10 ans après.

Résolument inamoureuse, son fils unique, Olivier, est le fruit du viol conjugal de la femme tondue par son mari. Si l'épouse hait son mari et les villageois, elle n'en est pas moins une mère extrêmement aimante avec son fils. Unis face à la rancune, c'est avec une fierté frisant pour certains l'arrogance qu'ils défient l'opprobre qui les frappe, cette mère et surtout son fils, héritier bien malgré lui de la prétendue faute maternelle. Par esprit de révolte contre le village (et en particulier la félonie de Laurent) mais aussi contre son propre père, Olivier va devenir un brillant élève en allemand. Mais ce n'est là que la première étape du périple que connaîtra Olivier. Chronique rurale d'une enfance saccagée par la bêtise, le sadisme, l'ingratitude et l'intolérance, ce premier opus est surtout le portrait magnifique d'un enfant qui passe à l'adolescence. Chronique aussi de l'éveil des désirs et de la fin de la candeur pour un être jugé coupable malgré lui, chronique enfin de l'amitié pour la mystérieuse Muriel, la sœur de Laurent, et de l'amour filial pour une mère qui refuse d'être brisée, ce roman, bien qu'il se présente comme ressortant de la littérature générale, lorgne déjà très légèrement vers le fantastique. Tout étant bien sûr question d'interprétation du lecteur.

Si nous sommes cependant loin d'un Clive BARKER ou d'une Poppy Z BRITE, il n'en demeure pas moins une certaine ambiguïté, que je vous laisse le plaisir de découvrir à la lecture de ce roman.


 
  Le jongleur interrompu    
 

 

 

 

Deux ans plus tard, l'auteur revient à la charge avec un nouveau roman, "Le jongleur interrompu".

Plus qu'un simple roman, c'est aussi l'exorcisme de la mort de son compagnon tant aimé, pour qui ce roman fait office de monument funéraire.

L'histoire ici se passe en Bretagne, au début des années 60. Dans un petit village de pêcheurs, pour être précis, non loin de l'île d'Anaon, dont le folklore local prétend qu'elle permet aux morts de renaître oiseaux. Sur le village règne un vieux patriarche autoritaire et aigri, le grand-père de Pétrel.

Pétrel est un adolescent épileptique, né de père inconnu. Comme bien sûr cela ne se faisait pas à l'époque d'avoir un enfant hors mariage (on pourrait aussi penser au superbe film "Magdelene sisters" de Peter Mullan), le grand-père de Pétrel rompit tous les liens avec sa fille et cet enfant, conçu dans le péché.

A la mort de sa mère, Pétrel se retrouve abandonné à lui-même, survivant grâce à de petits travaux, au premier rang desquels la taxidermie, pour laquelle il montre un véritable génie.

C'est dans ce village et au milieu de cette haine gorgée d'autoritarisme, que peu de gens osent défier -à l'exception d'Alan, le gardien du phare, résidu malgré lui des guerres coloniales-, qu'arrive un cirque. Un artiste, Constantin, jongleur virtuose, va vite fasciner le jeune Pétrel. Marié à une voyante petite et laide, Lily-Rhum tout laisse à penser que c'est une union de raison bien plus que d'amour. En fait, il s'agit surtout d'une relation platonique, bel et bien basée sur un amour véritable. Mais malheureusement, Constantin est atteint d'un mal incurable et mal défini, qui semble être un cancer. La relation ambiguë qui se noue entre Constantin et Pétrel va vite devenir insupportable pour son irascible grand-père. Le bonheur (homosexuel ?) de son petit-fils lui devient rapidement insupportable. Il va donc tout faire pour se débarrasser du cirque, tandis que Constantin se meurt.

S'il peut se lire de façon indépendante du premier tome, on n'en retrouve pas moins de nombreux thèmes. Tout d'abord, Pétrel pourrait être Olivier, si l'on ne s'en tient qu'à l'âge. Mais au-delà de l'âge, on trouve d'autres points communs, à commencer par deux jeunes hommes mal-nés. Victimes innocentes d'une morale clairement rétrograde, ils le seront encore et d'autant plus qu'on peut les supposer homosexuels. Loin cependant de tout militantisme et de tout érotisme, Francis BERTHELOT ne fait surtout pas une gay pride littéraire, mais joue ici sur l'éveil à la sensualité, les premiers émois et les troubles qu'ils suscitent dans la France d'avant Mai-68. Si le mot homosexualité n'est d'ailleurs jamais écrit, il n'en demeure pas moins que le non-dit reste suffisamment explicite. C'est même d'ailleurs une preuve éclatante du talent de l'auteur : mêler la différence à un message universel de tolérance et de progrès digne du meilleur STURGEON.

Ce deuxième volume est certainement l'un des plus émouvant, et reste assurément l'un des plus beaux hommages qu'un écrivain puisse rendre à un être si cher et malheureusement disparu.

 

Suite ...

© Olivier - 2005

DHTML Menu / JavaScript Menu Powered By OpenCube