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Deux ans plus tard, l'auteur revient à la charge avec un
nouveau roman, "Le jongleur interrompu".
Plus qu'un simple roman, c'est aussi l'exorcisme de la mort
de son compagnon tant aimé, pour qui ce roman fait office de monument
funéraire.
L'histoire ici se passe en Bretagne, au début des années
60. Dans un petit village de pêcheurs, pour être précis, non loin de l'île
d'Anaon, dont le folklore local prétend qu'elle permet aux morts de renaître
oiseaux. Sur le village règne un vieux patriarche autoritaire et aigri, le
grand-père de Pétrel.
Pétrel est un adolescent épileptique, né de père
inconnu. Comme bien sûr cela ne se faisait pas à l'époque d'avoir un enfant
hors mariage (on pourrait aussi penser au superbe film "Magdelene sisters"
de Peter Mullan), le grand-père de Pétrel rompit tous les liens avec
sa fille et cet enfant, conçu dans le péché.
A la mort de sa mère, Pétrel se retrouve abandonné à
lui-même, survivant grâce à de petits travaux, au premier rang desquels la
taxidermie, pour laquelle il montre un véritable génie.
C'est dans ce village et au milieu de cette haine gorgée
d'autoritarisme, que peu de gens osent défier -à l'exception d'Alan, le
gardien du phare, résidu malgré lui des guerres coloniales-, qu'arrive un
cirque. Un artiste, Constantin, jongleur virtuose, va vite fasciner le jeune
Pétrel. Marié à une voyante petite et laide, Lily-Rhum tout laisse à penser
que c'est une union de raison bien plus que d'amour. En fait, il s'agit
surtout d'une relation platonique, bel et bien basée sur un amour véritable.
Mais malheureusement, Constantin est atteint d'un mal incurable et mal
défini, qui semble être un cancer. La relation ambiguë qui se noue entre
Constantin et Pétrel va vite devenir insupportable pour son irascible
grand-père. Le bonheur (homosexuel ?) de son petit-fils lui devient
rapidement insupportable. Il va donc tout faire pour se débarrasser du
cirque, tandis que Constantin se meurt.
S'il peut se lire de façon indépendante du premier tome, on
n'en retrouve pas moins de nombreux thèmes. Tout d'abord, Pétrel pourrait
être Olivier, si l'on ne s'en tient qu'à l'âge. Mais au-delà de l'âge, on
trouve d'autres points communs, à commencer par deux jeunes hommes mal-nés.
Victimes innocentes d'une morale clairement rétrograde, ils le seront encore
et d'autant plus qu'on peut les supposer homosexuels. Loin cependant de tout
militantisme et de tout érotisme, Francis BERTHELOT ne fait surtout
pas une gay pride littéraire, mais joue ici sur l'éveil à la sensualité, les
premiers émois et les troubles qu'ils suscitent dans la France d'avant
Mai-68. Si le mot homosexualité n'est d'ailleurs jamais écrit, il n'en
demeure pas moins que le non-dit reste suffisamment explicite. C'est même
d'ailleurs une preuve éclatante du talent de l'auteur : mêler la différence
à un message universel de tolérance et de progrès digne du meilleur
STURGEON.
Ce deuxième volume est certainement l'un des plus émouvant,
et reste assurément l'un des plus beaux hommages qu'un écrivain puisse
rendre à un être si cher et malheureusement disparu.
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