"Le jeu du cormoran" remet lui en scène le fameux
cirque du "Jongleur interrompu", en plein dans les Landes, dans les
années 70.
Ivan Algeiba, enfant lors de
la mort de Constantin, est un viril acrobate de dix-neuf ans, qui sera chassé du
cirque paternel après une violente dispute avec son père, accessoirement
directeur du cirque.
Errant seul, il est subjugué
par la beauté d'un cormoran, et décide de le suivre. Celui-ci l'emmène dans un
blockhaus, où il fait la connaissance de l'étrange Moa-Tao. Jeune personne
androgyne issue de parents japonais et chinois, cette personne ne semble avoir
aucune identité physiologique ou sexuelle, et ne souhaite par conséquent que
l'on ne parle de sa personne ni comme "il" ni comme "elle", mais simplement
comme "île".
Il se noue immédiatement
une passion mi-amicale mi-amoureuse (mais chaste), faite d'attirance et d'amitié
entre lui et île.
Apprenant qu'il est à la
rue, île va l'emmener chez l'ami qui l'héberge, l'éthylique Tom-Boulon, cet
amoureux ignoré qui semble transformer tout ce qu'il touche en alcool. Tandis
que le cormoran est toujours là qui veille.
Des Landes à Paris, Ivan
et Moa-Tao vont vivre de leurs représentations d'acrobaties en faisant le trajet
à pied. Et c'est justement à Paris qu'Ivan,
prêt à tout pour permettre à île de devenir ce qu'il est, va, par amour,
descendre au fond de l'abjection pour recueillir la somme nécessaire à
l'opération de Moa-Tao, pour lui rendre son identité physiologique. Ce n'est
qu'avec cette coquette somme que lui et île -accompagné de Tom Boulon- pourront
se rendre en Finlande, le pays de Katri, où se trouve le médecin qui pourrait
guérir Moa-Tao de son étrange mal. Ils ne voyageront pas seuls cependant,
puisque accompagnés de cet étrange cormoran, alors que sa destination naturelle
l'aurait mené vers l'hémisphère sud, pour aller y chercher la chaleur dont
l'hiver le prive. C'est donc en Finlande que tout semble devoir se jouer, pour
eux comme pour île.
L'une des choses les plus
frappantes dans ce roman reste la véracité des personnages. Malgré le coté
légèrement étrange (du personnage asexué à ce Midas version éthylique), chaque
personnage possède une telle vérité que vous avez l'impression de les avoir
connus et fréquentés de longue date, et qu'ils sont vraiment réels, et non
l'œuvre onirique d'un démiurge.
C'est certainement là toute
la force de cette fresque, y compris dans l'ambiguïté de son fantastique, qui se
fait bien plus diffuse que légère, arrivé à ce quatrième tome où, telle une
musique discrète mais lancinante, le fantastique s'avance à pas feutrés et
discrets, dans une œuvre qui gagne vraiment à être connu et reconnu à sa juste
valeur, c'est à dire l'œuvre maîtresse d'un auteur majeur de l'imaginaire
hexagonal.
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